Le droit à l’image des mineurs depuis la loi du 19 février 2024

LOI n° 2024-120 du 19 février 2024 visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants   

La loi du 19 février 2024 s’inscrit dans une volonté de prise de conscience des dangers que constituent pour les enfants la publication de leur image sur les réseaux sociaux mais aussi dans la lignée des textes relatifs à l’exploitation commerciale de l’image des mineurs (enfants influenceurs), de la lutte contre le cyberharcèlement et de la généralisation du contrôle parental.

Elle vient, en outre, rappeler le devoir de tout parent qui est de protéger son enfant, en commençant par son droit à l’image. C’est donc tout naturellement que cette loi « se veut avant tout une loi de pédagogie avant que d’être une loi répressive ou sanctionnatrice ».

Ainsi, cette loi pédagogique se veut novatrice.

En ce sens, et en plus de donner une nouvelle définition de l’autorité parentale, elle rappelle les devoirs de tout parent de protéger l’image de son enfant. Et, qu’en cas de désaccord entre les parents, le juge à le dernier mot.

–>Nouvelle définition de l’autorité parentale.

L’autorité parentale se définit comme étant un ensemble de droits et de devoirs que les parents ont vis-à-vis de leur enfant mineur.

La loi du 19 février 2024 élargit cette définition. En effet, désormais, l’article 371-1 du Code Civil dispose que :

« L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant.

Elle appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé, sa vie privée et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne.

L’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques.

Les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité. »

Ainsi, à la définition traditionnelle de l’autorité parentale est ajoutée la notion de « vie privée ».

Cette notion a été insérée par la loi du 17 juillet 1970 à l’article 9 du Code civil qui affirme que « chacun a droit au respect de sa vie privée ».

D’une manière générale, la vie privée se définit comme « une sphère d’intimité, d’un espace que les personnes veulent garder à l’abri du regard des tiers ».

La jurisprudence quant à elle, considère que relève de la vie privée de l’enfant : les informations relatives à sa vie familiale et à sa vie affective, celles concernant sa santé, sa sexualité, son identité de genre, un état de grossesse, celles tenant à ses convictions personnelles, politiques, philosophiques et religieuses, celles liées à sa scolarité et ses loisirs, ou encore les informations relatives à son domicile, son patrimoine, ses correspondances, etc.

Dès lors, les parents d’un enfant mineur sont dorénavant les protecteurs de « sa sécurité, sa santé, sa vie privée et sa moralité ».

En outre, la loi du 19 février 2024 apporte également des modifications à l’article 372-1 du code civil, qui précise que la notion de vie privée inclut désormais la protection du droit à l’image qui figure au nouvel article 372-1 du Code Civil :

« Les parents protègent en commun le droit à l’image de leur enfant mineur, dans le respect du droit à la vie privée mentionné à l’article 9. Les parents associent l’enfant à l’exercice de son droit à l’image, selon son âge et son degré de maturité ».

Les contours du droit à l’image jusque-là défini par la jurisprudence se retrouvent désormais codifiés et s’imposent à tout parent concernant leur enfant.

En conséquence, il revient désormais aux représentants légaux d’exercer le droit à l’image de leur enfant et d’agir dans l’intérêt de ses derniers.

—> La protection du droit à l’image, prérogative essentielle de l’autorité parentale

Avant même de s’intéresser au rôle essentiel des représentants légaux quant à la protection de l’image de leurs enfants, il convient de souligner que la loi du 19 février 2024 prévoit que l’enfant lui-même doit être associé à la mise en œuvre de son droit.

  • Le nécessaire avis de l’enfant

L’article 372-1 du Code Civil est particulièrement précis :

« Les parents protègent en commun le droit à l’image de leur enfant mineur, dans le respect du droit à la vie privée mentionné à l’article 9.

Les parents associent l’enfant à l’exercice de son droit à l’image, selon son âge et son degré de maturité ».

Ce texte invite les parents à faire participer leur enfant à toutes les décisions qu’ils prennent à son sujet, que ce soit concernant la fixation de sa résidence, sa santé, sa scolarité, ses loisirs, sa pratique religieuse… ou encore la diffusion de son image.

Les parents doivent donc en priorité recueillir l’avis de l’enfant, selon âge avant toute publication d’une photo ou vidéo sur internet.

En effet, cela s’inscrit dans la lignée de l’article 12 de la Convention internationale des droits de l’enfant qui reconnaît à l’enfant capable de discernement un droit de participer aux décisions l’intéressant.

La loi du 19 février 2024 est particulièrement innovante sur ce point puisque le droit à l’image, enfin consacré au sein du code civil, constitue désormais un droit expressément reconnu au bénéfice des enfants.

  • La décision commune des représentants légaux

La loi du 19 février 2024 a fait le choix d’imposer aux parents une « protection en commun » de leur enfant concernant le droit à l’image.

Ce droit fait donc désormais l’objet d’une codécision qui ne vaut que pour une diffusion publique (ex: sur un réseau social…) et non pour les diffusions au sein de la sphère privée et familiale (ex : photographies envoyés à titre privé à de la famille..).

Néanmoins, cela n’est pas une nouveauté puisque les juges ont pu considérer à de nombreuses reprises que l’exercice du droit à l’image de l’enfant était « un acte non-usuel nécessitant l’accord des deux parents ». (CA Versailles 25-6-2015 n° 13/08349 et CA Paris 9-2-2017 n° 15/13956 )

—> De nouveaux recours devant le Juge aux Affaires Familiales

La loi du 19 février 2024 à modifié l’article 373-2-6 du Code civil afin d’y insérer un nouvel alinéa 4 :

« Le juge du tribunal judiciaire délégué aux affaires familiales règle les questions qui lui sont soumises dans le cadre du présent chapitre en veillant spécialement à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs.

Le juge peut prendre les mesures permettant de garantir la continuité et l’effectivité du maintien des liens de l’enfant avec chacun de ses parents ou par exemple ordonner l’interdiction de sortie de l’enfant du territoire français sans l’autorisation des deux parents.

Il peut également, en cas de désaccord entre les parents sur l’exercice du droit à l’image de l’enfant, interdire à l’un des parents de diffuser tout contenu relatif à l’enfant sans l’autorisation de l’autre parent.

Il peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision. Si les circonstances en font apparaître la nécessité, il peut assortir d’une astreinte la décision rendue par un autre juge ainsi que l’accord parental constaté dans l’un des titres mentionnés aux 1° et 2° du I de l’article 373-2-2. Les dispositions des articles L. 131-2 à L. 131-4 du code des procédures civiles d’exécution sont applicables.

Il peut également, lorsqu’un parent fait délibérément obstacle de façon grave ou renouvelée à l’exécution de l’un des titres mentionnés aux 1° à 6° du I de l’article 373-2-2, le condamner au paiement d’une amende civile d’un montant qui ne peut excéder 10 000 €. »

Dès lors, en cas de désaccord entre les parents, un recours devant le Juge aux Affaires Familiales est prévu.

Ce recours permet d’interdire à l’un des parents de diffuser tout contenu relatif à l’enfant sans l’autorisation de l’autre parent.